Roseline, Eugène et leurs enfants
C’est comme s’ils n’attendaient qu’un coup de pouce pour sortir de leur précarité. En effet, nous avons rencontré Eugène pour la première fois dans la benne à ordures à l’angle du carrefour proche. Il cherchait ce qui pouvait être vendu : des bouteilles vides, etc. Ils avaient connaissance de maisons cédées en location à un prix très intéressant en contrepartie de laquelle il fallait cultiver la terre aride, sans eau et sans électricité, dans une campagne isolée. Mais ils n’avaient pas l’avance de départ, ni même les moyens de s’y rendre. Notre subvention a permis à Roseline (1978) et Eugène (1976) de s’expatrier dans ces alentours où désormais ils cultivent le manioc. Courageux, ils proposent également leur main d’œuvre à des voisins et ne manquent pas d’idées d’expansion. Les enfants (2001, 2003, 2005) sont également scolarisés et même si c’est à deux heures de marche, ils se montrent très heureux. Le petit dernier (2010) accompagne sa mère dans les travaux des champs.
Mars 2012. C'est le sourire aux lèvres que nous les retrouvons chaque fois, ce mois c'est l'achat de plants de ravintsara qu'ils souhaitent pour diversifier leurs revenus. Mais tout est précaire et le déplacement à Antsirabe occasionné par le décès de la mère de Roseline les expose au vol de poules qu'ils avaient prévu de vendre au retour. Encore une fois, nous pallions ce problème afin qu'ils continuent à asseoir leurs acquis.
La vie continue chez Roseline et Eugène, ils vendent des coupes de bois, leurs récoltes et prévoient les prochaines plantations. Dynamiques, ils gèrent leur quotidien avec prévoyance.
Le 14 octobre 2012, je remets un lot de vêtements à Roseline. Elle me demande une aide pour les frais de scolarité importants en début d'année. Compte tenu d'une augmentation réalisée dans la subvention mensuelle, je refuse mais propose une avance sur le mois suivant, ce qu'elle repousse d'abord puis accepte. Notre but est de leur apprendre à prévoir, à gérer. Elle nous apprend également qu'ils sont devenus propriétaires de leur maison.
Le 30 octobre 2012, Roseline et Eugène viennent chercher le solde de leur subvention et demandent à obtenir la subvention de décembre, expliquant que c'est le moment des semences et qu'ils doivent prendre de l'avance. Nous accédons à leur demande sachant que nous pouvons leur faire confiance. Eugène nous remet la copie de sa carte d'identité récemment établie.
Le 10 novembre, Ils sont présents à l’enregistrement pour la radio nationale, Roseline est venue nous attendre à la porte pour nous accompagner.
La semaine suivante, ils sont là pour le bilan de santé. Nous avons accédé à leur demande formulée la semaine précédente. En effet, ayant désormais accédé à la propriété, ils ont dû faire intervenir un géomètre pour établir le bornage de leur terrain. Pour cela, ils n’avaient pas d’argent. Nous en avons donc payé les frais soit 160 000 A.
Fin novembre 2013. Roseline et Eugène ont commencé à ensemencer. Les enfants vont toujours à l’école mais elle est très éloignée et l’accès à pied difficile surtout en période de pluie. Nous devons envisager le placement en internat qu’ils sollicitent et espérons pouvoir le faire à la prochaine rentrée scolaire.
Janvier 2014. En période intermédiaire, après les semences, avant la récolte, Roseline et Eugène reviennent à la capitale faire "des petits boulots". Elle a souligné qu'elle est illétrée et que par conséquent elle ne trouve que des travaux très modestes et qui lui procurent peu de revenus. Nous allons voir avec elle si nous pouvons mettre en place une alphabétisation de base.
Fin mai 2014 Au retour à Tana, je rencontre Roseline et lui parle du certificat de scolarité qu'elle nous a donné(c'était ni le nom du père, ni de la mère, ni de l'enfant)et lui demande de rapporter les bons. Comme vraisemblablement elle ne m'a pas comprise, elle revient plus tard à l'hotel avec Eugène, et Eugénie est là pour leur expliquer. Effectivement, ils ne comprennent pas comment cela a pu se faire mais ils ne savent ni lire, ni écrire et n'ont pas pu vérifier. Ils promettent de le rapporter le lundi suivant et demandent quand même s'ils peuvent être aidés pour l'achat des semences ce que nous faisons immédiatement. Nous apprenons également que Roseline est enceinte!...
Arrivée ce mois, nous rencontrons sur place, avec Eugénie, Nathalie et Frédéric à Tsimoka. Il semble que Freddy soit assez dissipé.
Le lendemain, en visite à Manda où ont été placés Jocelyne et Tsilavina, nous apprenons qu’ils sont partis du centre sur demande de leurs parents qui ne souhaitent pas leur faire suivre une scolarité et ce depuis la fin de l'année. Les deux autres enfants étant à l’abri à Tsimoka, nous allons tenter de persuader Roseline et Eugène en leur rappelant que c’était à cette seule condition qu’une subvention leur était accordée et que de ce fait, elle risque d’être supprimée.
Le jour suivant, nous trouvons Roseline qui venait nous voir. je lui demande si elle se souvient de la raison pour laquelle on l’aide. Elle nous dit d’abord que c’est pour ne plus avoir de bébé, je réponds que c’est une injonction que je ne m’autoriserai pas à donner puis elle convient que c’était pour scolariser les enfants et reconnait qu’elle ne le fait plus. Dans ce cas, je la préviens qu’on arrête….à moins qu’elle scolarise de nouveau Jocelyne et Tsilavina. Elle dit qu’elle va le faire, nous vérifierons.
Le 23 février, nous avons Angeline, la directrice de Manda, en ligne qui confirme que les deux enfants sont bien venus au centre. Nous donnerons donc la subvention en continuant à surveiller.
Avril 2017
La maladie d'Eugénie l'a empêchée de poursuivre son enquête. Le centre ne répond pas à nos appels.
Octobre 2017
A mon arrivée, Roseline explique qu'elle a repris ses enfants Fenosoa et Frédéric. Elle les scolarise cette année à EPP Antomimbarinandriano et habite en ce moment Anosibe, une maison en bois. A la campagne où ils étaient, le frère d’Eugène, ivre, a mis le feu à leur maison et Eugène, par ailleurs, a été incarcéré, accusé d’avoir mis le feu à un champ en jetant son mégot de cigarettes à côté. Tsilavina est scolarisé à Ankany Imanoela. Ce 23 octobre, Eugène sort de prison et vient nous voir. Quand il aura récolté un peu d’argent, ils iront reconstruire la maison à la campagne et continueront à cultiver les terres. Brigitte propose de reconsidérer le problème à ce moment là.
Août 2018
Nous avons contribué aux réparations et désormais Roseline et Eugène repartent vivre dans leur maison, à la campagne. Les enfants ne pourront plus aller à l'école où ils ont passé leur dernière année scolaire et l'école près de la maison est à 2 h de marche. Brigitte et Andry cherchent une solution pour la rentrée.