Se retrouvant orphelins avec son frère François, 10 ans et sa sœur Patricia, 6 ans, Eddie, 16 ans avec l’aide de ses deux frères aînés, décide de revenir habiter la maison de leur père qu’il avait obtenu de la fondation de l’Abbé Pierre. L’un des frères aînés, avec sa compagne, est venu habiter avec les deux garçons qui vont à l’école et Patricia est pris en charge par l’autre frère marié vivant à proximité.
Les deux grands s’entendent donc pour veiller sur les trois enfants. Ils prévoient d’aller devant notaire pour leur laisser l’attribution de la maison qu’ils occupent, désormais en indivision. Quant à la subvention de parrainage que nous leur accordons, ils la mettent de côté pour leur avenir.
Eddie va désormais en école technique alors que François et Patricia fréquentent l’école à proximité.
Cette fin d'année scolaire 2012, Eugénie nous apprend que les trois enfants passent en classe supérieure. Tout le monde est content.
Août 2012. Eugénie rencontre Eddie qui est amaigri, sale et mal vêtu contrairement à l'habitude. Il semble avoir un problème, nous attendons qu'il en parle.
Octobre 2012. Nous retrouvons Eddie moins ouvert et moins épanoui qu'auparavant. Il dit ne pas avoir de problème d'argent mais voudrait entrer dans la vie active et ne plus aller à l'école. Il souhaiterait une formation dans l'hotellerie pourtant il ne se présente pas au rendez-vous qu'Eugénie a pris pour lui.
Le 10 novembre, Eddie est venu seul au rendez-vous d'Ambohijatovo. Il a été heureux de participer à l'enregistrement de la radio. J'ai beaucoup insisté pour qu'ils reprennent ses études.
La semaine suivante, Il est présent au bilan de santé avec son jeune frère et sa jeune soeur auxquels il est très attentif. Il est détendu et parait heureux, volontaire à nous rendre service. Le mardi 20, quand il vient nous annoncer la mort de sa belle-mère Viviane, il est désemparé et ne sait que faire. Eugénie le soutient moralement sans avoir de réponse, Viviane n'avait pas de carte d'identité et nous ne connaissions pas sa famille.
Début janvier 2013. Eugénie apprend qu' il veut avoir du travail pour pouvoir nourrir sa petite sœur et son petit frère. Elle lui suggère d'aller à l'espace-jeunes pour une préparation professionnelle. S’il est régulier, le centre pourra le prendre en charge jusqu'à réalisation de son projet de vie mais c’est à lui de choisir. Eugénie propose de rendre visite à sa jeune belle soeur pour en savoir plus.
Avril 2013. Enfin Eddie nous a expliqué pourquoi il a arrêté d'aller à l'Espace Jeunes. Il remettait toute la subvention à son frère pour la pension de son plus jeune frère et de sa soeur et lui, quand il rentrait n'avait rien à manger. C'est dur de partir le ventre vide le matin, nous dit-il. Et c'est comme cela qu'il a tout abandonné, faisant des petits boulots pour se nourrir et ne rentrant plus au village. Nous lui proposons alors de partager proportionnellement la subvention en en donnant une partie au frère ainé d'Eddie et l'autre un peu augmenté qu'il garderait pour lui, en contrepartie de laquelle il promet de reprendre une formation. Aussitôt dit, aussitôt fait. Et jusque là, il honore sa promesse.
Septembre 2013. A l'Espace Jeunes où Eddie a été accepté, il vient quelques fois dans une tenue très sale. Il dit à Eugénie qu'il vend du charbon l'après-midi. Il semble qu'il ait quelque chose à confier à Eugénie mais ne le fait pas. En ce qui concerne sa formation, ce sera une décision prise en concertation avec l'éducateur qui le suit. Mais il reste toujours très secret.
Fin novembre 2013. Solo, le frère d'Eddie, s'occupe des enfants et de sa petite famille, son travail est très dur: la nuit il trie les poubelles et le matin il vend ce qu'il a récupéré et ne passe que quelques heures chez lui. Il cherche un travail plus confortable pour pouvoir prendre soin de ses frères et soeur. Eddie est toujours en formation et contribue aussi en faisant des petits boulots après les cours.
Mai 2014. Il vient tard le soir chercher sa subvention chez Eugénie et dit que tout va bien.
Fin mai, nous cherchons à rencontrer Eddie et nous le trouvons à Ambohijatovo en train de vendre du charbon. Il dit qu'il gagne bien sa vie et s'interroge pour poursuivre une formation. Nous lui laissons le choix de nous donner sa réponse la semaine suivante.
Deux jours après, nous rencontrons Solo au retour de son travail quotidien de nuit de fouiller la benne à ordures qui lui est affectée pour trouver quelques choses à revendre. Nous avons besoin de faire le point avec lui, étant donné qu'il s'occupe de son frère François et de sa soeur Patricia. Il paye l'écolage pour les deux mais c'est son frère ainé qui héberge Patricia. Nous lui donnons quelques vêtements pour son bébé. Il ne paye pas de loyer pour sa maison puisque c'est la maison de son père mais il attend toujours l'acte de propriété.
Il nous raconte qu'il vivait avec ses frères et soeurs et ses parents à Nanahasana mais personne n'avait du travail. Pour vivre, il aurait dû mendier mais il avait trop honte et a très vite suivi son père dans les bennes à ordures pour trouver de quoi revendre. A plusieurs reprises, ils ont été expulsés faute du règlement du loyer,. Ils ont habité dans des "maisons en sachets" sur les rails du chemin de fer puis de nouveau expulsés et envoyés dans le village de Famenjena. Il a vécu quelques temps seul dans le quartier où habite Roseline. Puis, au moment où sa mère est tombée malade, il est revenu au village. Là il a pu être scolarisé parce qu'il y avait une école, il avait alors 13 ans. Sa mère hospitalisée est décédée au retour de l'hôpital. Puis son père a rencontré Viviane et ils se marièrent sans tarder. Ils habitèrent ensemble au village et c'est à ce moment là que Viviane vendit tout ce qu'il y avait dans la maison. ils ont eu très vite un enfant qui décéda quelques mois après. A partir de ce moment là, Augustin a voulu quitter Viviane, elle attendait d'ailleurs un enfant d'un autre homme. Mais ils vécurent encore ensemble jusqu'à sa mort.
Le plus grand souhait de Solo serait de pouvoir dignement s'occuper de sa famille, d'avoir un vrai travail et pourquoi pas dans la ferronnerie, la mécanique auto. Nous cherchons à lui donner satisfaction en prenant un rendez-vous avec un artisan susceptible de le prendre en tant qu'apprenti. Malheureusement, Solo n'était pas au rendez-vous, le message ne lui avait pas été transmis. Ce n'est que partie remise.
Novembre 2014.
On apprend qu'Eddie hésitait pour la formation car, en fait, il est en couple et père de famille. Ainsi, il ne peut plus aller à Espace Jeunes et ses revenus venant de la vente de charbon sont fonction de sa belle-mère à qui appartient ce commerce. Contacté par Eugénie pour une proposition de formation par l'ASA dans le milieu rural, il a accepté d'être en liste d'attente pour donner un meilleur avenir à sa jeune famille.
D'un autre côté, Eugénie a scolarisé son frère François et sa soeur Patricia à Tsimoka, ce qui l'allège en même temps que ses deux frères ainés qui ont eux-mêmes leurs enfants à s'occuper.
Février 2015
Eddie s'est séparé de sa copine et ainsi ne peut plus accéder à la formation proposée par l'ASA réservée aux familles. Le problème reste entier.
Mai 2015
Désormais sans travail, le commerce de charbon était celui de son ex-belle-mère, Eddie est disposé à suivre une formation et souhaiterait être admis à Don Bosco. Eugénie se renseigne. De son côté, on apprend que Solo, toujours " exploitant" de sa benne à ordures, a du mal à s'exprimer en français, ce serait peut-être la raison de son absence au rendez-vous fixé avec un artisan l'année dernière. Nous gardons l'idée de lui proposer des cours de français à l'Alliance Française si le budget formation le permet.
Août 2015
François est très heureux et son frère avec lui, il a réussi son CEPE.
Octobre 2015
C'est au tour des grands d'être heureux : Eddie et Solo participent depuis le 19 à une formation en mécanique automobile, pour 10 mois.
Février 2016
Sur place depuis le début de mois, je rencontre, avec Eugénie, les enfants François et Patricia à Tsimoka. François est en 6ème et Patricia en CM1. Solo, le grand frère, se préoccupe beaucoup de ses frère et soeur, il est venu voir les enfants courant décembre.
D'autre part, une visite au centre de formation INA où sont Eddie et Solo, nous permet de rencontrer Madame Nirina qui nous apprend qu’ils sont assidus, motivés et que l’on peut espérer un travail correct pour eux.
Septembre 2016
Solo et Eddie ont du mal à suivre et à digérer les termes techniques de leur formation mécanique auto. Solo a passé son permis de conduire et l’a réussi. Ils attendent maintenant de passer leur examen avec une difficulté supplémentaire pour Eddie qui n’a pas pu fournir son acte de naissance.
Mars 2017
Eddie maintenant en couple et père d'un enfant, compte tenu toujours de son extrême précarité, nous prenons la décision de lui donner une subvention en tant que famille accompagnée. Nous verrons dans les mois qui viennent comment les amener à plus d'autonomie.
Octobre 2017
Eddie s’est séparé de sa femme avec laquelle il avait eu un enfant. Il vit désormais avec Prisca mineure dont il n’a pas d’enfants, elle a fait une fausse couche. Il conduit toujours son frère et sa soeur à Tsimoka. Pour les vacances, il les a ramenés chez sa propre mère puisqu’il vit dans la rue. Il vend des cigarettes mais ce n’est pas suffisant pour louer une maison. Nous lui proposons de chercher une source de revenus pour lequel nous l’aiderons. Une rencontre avec l’ENDA nous donne une opportunité d'une formation en maçonnerie. Elle sera payée et suivie d’un travail. Nous voyons également la possibilité d’avoir un toit sur un terrain à louer et pour lequel il bénéficierait d’une subvention de l’ENDA. Le processus est en cours. Il est également au programme de régulariser la situation maritale d’Eddie. A cet effet, Brigitte et Andry l'aident à préparer leurs fiançailles avec la bénédiction des parents.
Août 2018
Qu'est-ce qui a fait qu'Eddie a finalement refusé la formation et les conséquences positives qu'il en ressortait ? On ne saura pas. Nous arrêtons donc l'aide qui lui était alloué en lui précisant toutefois qu'il peut toujours revenir sur sa décision. Nous continuerons à suivre ses frères et soeurs qui n'ont pas à pâtir des décisions de leur frère.
Novembre 2018
Nous sommes toujours prêts à proposer à Eddie, une formation, un travail qui l'aidera à sortir de cette précarité. Les premières années où nous l'avons cotoyé, nous laissaient entrevoir un jeune homme sérieux, responsable, qui avait le goût des études. Florian l'a rencontré, a-t-il pu raviver la flamme qu'il avait en lui ? Le décès de sa mère, de son père puis de sa belle-mère avaient successivement fait fléchir son enthousiasme et ses espérances. Nous revoyons également le placement de ses frères et soeurs pour trouver un environnement plus adéquat pour ces jeunes orphelins.